Publié le 15 mars 2024

La fatigue muséale transforme souvent une sortie culturelle en corvée. La solution n’est pas de voir moins, mais de voir *mieux* en adoptant la posture d’un détective culturel.

  • Apprenez à décoder le récit d’une exposition en observant les œuvres avant de lire les cartels et en analysant leur mise en espace.
  • Planifiez votre visite durant des créneaux stratégiques, comme les nocturnes du mercredi, pour une expérience plus intime et profonde.

Recommandation : Abandonnez la posture de spectateur passif. Chaque visite est une enquête : cherchez les dialogues entre les œuvres, comprenez l’intention du commissaire et transformez votre expérience en une aventure intellectuelle.

Cette sensation vous est familière : après une heure passée dans les salles d’un musée, une lassitude s’installe. Les jambes sont lourdes, l’attention s’effrite, et les œuvres, aussi magnifiques soient-elles, commencent à se fondre en une masse indistincte. C’est la fameuse « fatigue muséale », ce mal qui guette tout amateur d’art et transforme une promesse d’émerveillement en un marathon épuisant. Face à cela, les conseils habituels fusent : « achetez vos billets en ligne », « ne tentez pas de tout voir en une fois ». Ces astuces logistiques, bien que pertinentes, ne touchent pas au cœur du problème. Elles traitent le symptôme, pas la cause.

Le véritable enjeu n’est pas de gérer son temps, mais de transformer sa perception. Et si la clé pour déjouer la frustration n’était pas de subir une exposition, mais d’apprendre à la *lire* ? Si le secret d’une visite mémorable au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) résidait dans un changement de posture, en passant du simple spectateur au détective culturel ? Cette approche ne consiste pas à voir plus, mais à voir différemment. Elle engage l’esprit, stimule la curiosité et remplace la saturation par la découverte. C’est l’art de décoder le récit invisible tissé par le commissaire, de dialoguer avec les œuvres et de s’approprier l’espace muséal.

Cet article n’est pas un simple guide pratique. C’est une initiation aux clés de lecture d’un initié. Nous allons vous dévoiler les stratégies pour aborder une exposition avec un œil neuf, les secrets logistiques derrière la valse des chefs-d’œuvre, les créneaux insoupçonnés pour une visite sereine, et comment l’expérience culturelle montréalaise se prolonge bien au-delà des murs du musée. Préparez-vous à changer votre regard, non seulement sur le MBAM, mais sur chaque institution culturelle que vous visiterez.

Pour vous guider dans cette transformation, nous explorerons ensemble une série de stratégies et de perspectives. De l’art de lire une exposition à la découverte des lieux culturels secrets de Montréal, ce guide est conçu pour enrichir chacune de vos sorties.

Comment lire une exposition au MBAM comme un professionnel de la muséologie ?

Entrer dans une salle d’exposition, ce n’est pas seulement entrer dans une pièce remplie d’objets ; c’est pénétrer dans un récit construit, une thèse visuelle orchestrée par un commissaire d’exposition. Pour déjouer la fatigue muséale, la première étape est de passer d’une consommation passive des œuvres à une lecture active de ce récit. L’erreur commune est de se précipiter sur le cartel. Un professionnel, lui, laisse d’abord l’œuvre lui parler. Il observe, questionne, formule une première hypothèse avant de chercher la confirmation ou la contradiction dans le texte explicatif.

Cette approche transforme la visite en une enquête passionnante. Le visiteur expert ne se contente pas d’admirer : il analyse la scénographie. Pourquoi cette œuvre est-elle placée ici ? Quel dialogue crée-t-elle avec sa voisine ? Quel est le rôle de l’éclairage ? Chaque détail est un indice sur l’intention du commissaire. Le texte de salle, souvent survolé, devient alors une carte au trésor. Repérer les mots-clés comme « tension », « dialogue », « héritage » ou « rupture » permet de comprendre l’argument central que l’exposition cherche à démontrer. Votre objectif n’est plus de « tout voir », mais de « tout comprendre » du propos.

Pour systématiser cette approche, voici quelques techniques utilisées par les médiateurs culturels pour engager activement les visiteurs :

  • Technique « Couloir-Ancre-Détail » : En entrant dans une salle, identifiez d’abord l’œuvre « ancre », celle qui est mise en valeur par l’éclairage ou le placement. Elle est souvent la clé de voûte de la section.
  • Décryptage du commissaire : Lisez le texte de salle principal comme une thèse et surlignez mentalement les mots qui structurent le récit.
  • Dialogue silencieux : Trouvez deux œuvres se faisant face et demandez-vous quel lien intentionnel a été créé. Est-ce une opposition, une filiation, une influence ?
  • Cartel inversé : Forcez-vous à observer une œuvre pendant au moins 60 secondes avant de lire le cartel. Tentez de deviner l’époque, le sujet, le message. Cet exercice muscle votre regard analytique.

Votre feuille de route pour auditer une exposition

  1. Points de contact : Identifiez l’œuvre d’entrée, l’œuvre de sortie et l’œuvre centrale de chaque salle. Ce sont les piliers narratifs.
  2. Collecte : Repérez les éléments de scénographie forts (couleur d’un mur, type d’éclairage, soclage particulier) et questionnez leur fonction.
  3. Cohérence : Confrontez le discours du cartel avec votre propre ressenti. L’œuvre confirme-t-elle la thèse du commissaire ou la nuance-t-elle ?
  4. Mémorabilité/émotion : Isolez l’œuvre qui vous a le plus marqué et demandez-vous pourquoi. Est-ce le sujet, la technique, l’émotion brute ? C’est votre point d’ancrage personnel.
  5. Plan d’intégration : Prenez une photo non pas de l’œuvre, mais du dialogue entre deux œuvres qui vous a semblé pertinent. C’est la trace de votre lecture personnelle.

En adoptant ces réflexes, chaque salle devient un chapitre à déchiffrer. La visite n’est plus une simple déambulation, mais une conversation intellectuelle, une expérience infiniment plus riche et moins fatigante.

Pourquoi certaines œuvres iconiques arrivent au MBAM pendant que d’autres restent inaccessibles ?

Vous est-il déjà arrivé de vouloir revoir une œuvre précise au MBAM pour la découvrir absente, remplacée par une autre ? Ou, à l’inverse, d’être surpris par l’arrivée d’un chef-d’œuvre de Picasso ou de Monet ? Cette dynamique n’est pas le fruit du hasard, mais d’un véritable ballet diplomatique et logistique qui se joue en coulisses. Un musée n’est pas une entité statique ; c’est un écosystème vivant où les œuvres voyagent, dialoguent et se reposent.

La première raison est la gestion de la collection propre au musée. Avec une collection riche de plus de 47 000 œuvres et objets d’art, le MBAM ne peut tout exposer simultanément. Un roulement est nécessaire pour des raisons de conservation (certaines œuvres, notamment sur papier, ne supportent pas une exposition prolongée à la lumière) et pour renouveler l’intérêt des visiteurs en proposant de nouvelles lectures de la collection permanente. La deuxième raison, plus spectaculaire, est la politique de prêts et d’emprunts entre institutions. Pour monter une exposition temporaire ambitieuse, comme une rétrospective sur un grand maître, le MBAM négocie pendant des années avec des musées du monde entier pour réunir des œuvres clés. En échange, il prête lui-même des trésors de sa collection, qui deviennent des ambassadeurs de la culture montréalaise à Paris, Londres ou New York.

Ce processus complexe implique des assurances exorbitantes, des conditions de transport et de conservation drastiques, et des relations de confiance bâties sur des décennies. Chaque caisse de transport est une merveille d’ingénierie conçue pour protéger son précieux contenu des variations de température, d’humidité et des chocs. C’est ce travail invisible qui permet d’offrir au public des dialogues artistiques inédits.

Vue en plongée d'une caisse de transport d'œuvre d'art ouverte avec matériaux d'emballage spécialisés

Comme le révèle cette image, l’emballage d’une œuvre pour un prêt international est une science en soi. Chaque couche de mousse, de papier de soie et de matériaux de calage est choisie pour garantir une protection maximale. Ainsi, l’absence d’une œuvre familière n’est pas une perte, mais souvent le signe qu’elle est partie en mission diplomatique, tandis que l’arrivée d’une nouvelle pièce est le fruit d’une négociation réussie, offrant une opportunité unique de découverte.

Comprendre cette dynamique change la perception du visiteur : la collection n’est plus un trésor fixe, mais un fonds dynamique et voyageur, dont chaque configuration offre un nouveau chapitre de l’histoire de l’art.

Les créneaux secrets pour visiter le MBAM dans des conditions optimales

L’un des plus grands ennemis de l’expérience muséale est la foule. Difficile de communier avec une œuvre quand il faut jouer des coudes pour l’apercevoir. Si la sagesse populaire conseille d’éviter les week-ends, il existe des stratégies plus fines pour s’offrir des moments de quiétude au MBAM, même en période d’affluence. Ces créneaux « secrets » sont connus des habitués et des médiateurs, et ils peuvent radicalement transformer votre visite.

Le contexte actuel offre d’ailleurs une fenêtre d’opportunité : si l’on considère que 35 % des 30-44 ans seulement ont retrouvé pleinement le chemin des institutions muséales québécoises après la pandémie, cela signifie que les moments de calme sont plus fréquents qu’auparavant, à condition de savoir les repérer. Il ne s’agit pas seulement de choisir le bon jour, mais la bonne heure et même la bonne météo. Un visiteur stratégique sait lire le rythme de la ville et du musée pour naviguer à contre-courant.

Au-delà du simple choix temporel, la stratégie de parcours est également essentielle. La plupart des visiteurs suivent un chemin instinctif, commençant par le rez-de-chaussée et montant progressivement. En inversant simplement ce schéma, vous vous retrouvez souvent seul dans les salles des étages supérieurs en début de visite. Voici quelques stratégies testées et approuvées pour déjouer les foules :

  • Mercredi soir 19h-20h30 : La nocturne est un classique, mais le vrai secret est de s’y rendre tard. Pendant que beaucoup se concentrent sur l’exposition temporaire, profitez de ce créneau pour explorer les collections permanentes, souvent désertées à cette heure.
  • Jours de météo extrême : Une grosse tempête de neige en hiver ou une journée de canicule en été décourage de nombreux visiteurs. Pour les courageux, c’est l’assurance d’une tranquillité inattendue.
  • Pendant les conférences du Cinéma du Musée : Quand un événement majeur a lieu au Cinéma du Musée, situé dans le pavillon Hornstein, les salles de ce même pavillon se vident. Consultez la programmation et synchronisez votre visite.
  • Visite inversée : C’est la technique la plus simple et la plus efficace. Commencez votre parcours par le dernier étage du pavillon de votre choix, ou par le pavillon d’art québécois et canadien (Claire et Marc Bourgie), souvent moins fréquenté en début de journée, pour naviguer à contre-courant du flux principal.

Choisir le bon moment n’est pas un luxe, c’est une condition essentielle pour passer d’une visite subie à une expérience choisie, où le silence et l’espace permettent un véritable dialogue avec les œuvres.

Quelles activités méconnues du MBAM transforment une simple visite en immersion totale ?

Le Musée des Beaux-Arts de Montréal est bien plus qu’une simple succession de salles d’exposition. C’est un véritable pôle culturel et social qui propose une myriade d’activités souvent méconnues du grand public. S’aventurer au-delà du parcours traditionnel, c’est découvrir des facettes du musée qui peuvent transformer une simple visite en une expérience d’immersion profonde, voire thérapeutique. L’institution a été pionnière dans l’exploration du lien entre l’art et le bien-être.

L’initiative la plus révolutionnaire est sans doute le programme de « Prescriptions muséales ». En partenariat avec Médecins francophones du Canada, le MBAM est devenu le premier musée au monde où les médecins peuvent littéralement prescrire une visite à leurs patients comme complément thérapeutique. Ce programme reconnaît scientifiquement les bienfaits de l’art sur la santé mentale et physique, une conviction forte portée par l’institution. Il s’inscrit dans une mission plus large d’inclusion et d’accessibilité, visant à faire du musée un lieu de partage et de guérison pour tous.

Cette vision est passionnément défendue par les équipes du musée, comme en témoigne Thomas Bastien, Directeur de l’éducation et de l’action culturelle du MBAM :

Nous travaillons depuis 17 ans avec des organismes socio-communautaires pour favoriser l’inclusion de personnes souffrants de troubles mentaux, d’autisme, de personnes vivant dans la rue, de malades atteints d’Alzheimer. Ce que nous voulons c’est rendre le musée accessible et permettre aux personnes d’y vivre une expérience inclusive, basée sur le partage, dans le but de faire du bien à tous, peu importe d’où l’on vient.

– Thomas Bastien, Directeur de l’éducation et de l’action culturelle du MBAM

Au-delà de ces programmes sociaux, le musée propose des ateliers de création, des conférences, des concerts dans la salle Bourgie et même des séances de méditation ou de yoga face aux œuvres. Ces activités offrent une nouvelle porte d’entrée pour interagir avec l’art, en engageant non seulement l’intellect mais aussi le corps et les émotions.

Personne en méditation devant une œuvre d'art dans un espace muséal épuré

Participer à une séance de méditation guidée devant un tableau de Riopelle ou un Rothko, par exemple, permet de développer une connexion sensorielle et contemplative à l’œuvre, loin de l’analyse purement intellectuelle. Ces moments de pleine conscience créent un ancrage émotionnel puissant qui rend l’expérience artistique inoubliable. Se renseigner sur ces activités parallèles avant sa visite peut donc ouvrir des perspectives insoupçonnées.

S’engager dans ces expériences, c’est comprendre que le musée n’est pas seulement un lieu où l’on regarde de l’art, mais un espace où l’on peut le vivre pleinement.

Comment se documenter efficacement avant une exposition majeure au MBAM sans y passer 20 heures ?

Arriver devant une exposition majeure sans la moindre préparation, c’est un peu comme commencer un roman par le milieu : on peut apprécier le style, mais on passe à côté de l’intrigue. Une préparation ciblée, même courte, décuple la richesse de la visite. Elle permet d’arriver avec des clés de lecture, de reconnaître les œuvres phares et de comprendre les enjeux du propos du commissaire. Mais face à la surabondance d’informations, comment se documenter efficacement sans y consacrer des jours entiers ?

L’objectif n’est pas de devenir un expert de l’artiste ou du mouvement présenté, mais d’acquérir un socle de connaissances contextuelles. Il s’agit de comprendre les grandes lignes : qui est l’artiste, quelle est sa période la plus importante, quel est l’angle spécifique de l’exposition ? Pour cela, il faut savoir où chercher l’information la plus pertinente et la plus synthétique. Les sources locales québécoises sont souvent les meilleures, car elles contextualisent l’événement pour le public d’ici.

Le secret réside dans la diversification de formats courts et à haute valeur ajoutée. Combiner un format audio pour le contexte général, quelques articles critiques pour les points de vue et un format vidéo pour l’immersion visuelle est une stratégie redoutablement efficace. Une heure ou deux bien investies peuvent remplacer des dizaines d’heures de lecture fastidieuse. Voici une méthode simple, la « 1-3-1 », spécifiquement adaptée à l’écosystème médiatique québécois :

  • 1 podcast : Repérez si l’artiste ou le commissaire a été invité sur une grande chaîne radio. L’émission L’heure bleue sur ICI Première est souvent un excellent point de départ pour une analyse sensible et intelligente.
  • 3 articles essentiels : Concentrez-vous sur les critiques des grands quotidiens. Lisez la critique du Devoir (souvent la plus analytique), celle de La Presse (pour un point de vue grand public éclairé) et un article du magazine spécialisé Vie des Arts pour une perspective plus pointue.
  • 1 micro-documentaire : Cherchez les productions de La Fabrique Culturelle (Télé-Québec) sur le sujet. Leurs formats courts sont parfaits pour une mise en contexte visuelle et souvent accompagnés d’interviews.
  • Astuce bonus : Pour une information très factuelle et officielle, recherchez « dossier de presse [nom de l’exposition] MBAM » sur Google. Le dossier de presse, souvent disponible en PDF, est une mine d’or d’informations synthétiques destinées aux journalistes.

En arrivant ainsi préparé, vous ne regarderez plus les œuvres de la même manière. Vous repérerez les clins d’œil, comprendrez les partis pris et dialoguerez avec l’exposition à un niveau bien plus profond.

Où sortent vraiment les Montréalais quand ils veulent vivre la culture locale loin des touristes ?

L’expérience de l’art à Montréal ne s’arrête pas aux portes prestigieuses du MBAM. Pour le visiteur qui a adopté une posture de « détective culturel », l’étape suivante est de plonger dans le tissu vivant de la création locale, là où l’art se fait et se débat, loin des circuits touristiques balisés. C’est dans ces lieux, souvent plus discrets, que l’on prend le pouls de la scène artistique montréalaise contemporaine et que l’on découvre les talents de demain.

Sortir des sentiers battus signifie échanger la monumentalité des grandes institutions contre l’intimité et l’effervescence des espaces alternatifs. Ces lieux sont les véritables points de rendez-vous de la communauté artistique : artistes, galeristes, collectionneurs et critiques s’y retrouvent pour échanger, célébrer et polémiquer. Assister à un vernissage dans l’un de ces endroits, c’est s’offrir une immersion sociologique autant qu’artistique. C’est là que l’on peut surprendre une conversation entre un artiste et son galeriste, ou entendre un critique livrer son analyse à chaud.

Le Mile-End et le « Main » (le boulevard Saint-Laurent) sont des épicentres historiques de cette culture alternative, mais d’autres poches de créativité essaiment dans la ville. L’important est de savoir repérer les événements qui rassemblent la communauté. Voici quatre pistes pour s’immerger dans la culture montréalaise authentique :

  • Édifice Belgo : Ce bâtiment industriel du Quartier des spectacles abrite des dizaines de galeries d’art contemporain. Les vernissages coordonnés, souvent le premier jeudi du mois, sont le point de rendez-vous incontournable de toute la scène artistique. C’est l’endroit idéal pour un « gallery crawl ».
  • Cinémathèque québécoise : Au-delà de sa programmation régulière, la Cinémathèque propose des soirées spéciales comme « D’un œil différent », où des projections de films expérimentaux ou de documentaires rares sont suivies de discussions passionnantes avec les réalisateurs et le public.
  • Librairies du Mile-End : Pour le volet littéraire, les lancements dans les librairies indépendantes comme Le Port de Tête (francophone) et Drawn & Quarterly (anglophone) sont des moments privilégiés. L’ambiance y est intime, favorisant les échanges directs avec les auteurs.
  • Suoni Per Il Popolo : Ce festival de musique avant-gardiste est l’antithèse des grands festivals d’été. Il propose des concerts dans des lieux inusités (églises, centres communautaires, arrière-boutiques), offrant des expériences sonores uniques et une proximité rare avec les musiciens.

En intégrant ces lieux à votre radar culturel, vous ne serez plus un simple visiteur, mais un véritable explorateur de la richesse créative de Montréal.

Quels signaux indiquent qu’un artiste montréalais inconnu va voir ses œuvres tripler de valeur en 5 ans ?

Pour l’amateur d’art qui a développé son regard, une question fascinante se pose : comment repérer le prochain grand talent ? Détecter un artiste émergent dont la cote va exploser n’est pas une science exacte, mais ce n’est pas non plus une pure loterie. C’est un travail d’enquête qui repose sur l’observation de signaux faibles et la compréhension de l’écosystème du marché de l’art montréalais. Le « détective culturel » aguerri apprend à lire les validations institutionnelles et commerciales qui jalonnent le parcours d’un artiste prometteur.

La valeur d’une œuvre n’est pas seulement liée à sa qualité intrinsèque, mais aussi à un faisceau de reconnaissances externes. Un artiste gagne en crédibilité et en valeur lorsqu’il est « adoubé » par différentes strates du monde de l’art. L’analyse du parcours des artistes montréalais qui ont percé ces dernières années révèle une trajectoire souvent similaire. Il existe des indicateurs clés qui, lorsqu’ils s’accumulent, signalent un potentiel de croissance significatif. Il s’agit de repérer quand un artiste passe du statut de « promesse » à celui d' »investissement ».

L’un des signaux les plus forts est la migration géographique de sa représentation en galerie. Le paysage des galeries montréalaises est lui-même structuré par zones qui correspondent à différents niveaux de maturité du marché. Un artiste qui commence dans une galerie émergente du boulevard Saint-Laurent et qui, quelques années plus tard, est exposé dans une galerie établie de l’ouest du centre-ville a franchi une étape décisive. Ce mouvement physique sur la carte de la ville est une métaphore de son ascension sur le marché.

Le tableau suivant illustre cette géographie du marché de l’art à Montréal, un outil précieux pour le collectionneur en herbe.

Évolution géographique des galeries montréalaises
Zone Type de galeries Statut marché
Boulevard Saint-Laurent Galeries émergentes Découverte
Mile-End Espaces alternatifs Expérimentation
Ouest centre-ville Galeries établies Valeur confirmée

Ce tableau, basé sur une analyse des tendances observées dans le réseau des galeries, montre une progression claire. Au-delà de ce critère, quatre autres signaux avant-coureurs sont à surveiller : obtenir une résidence à la Fonderie Darling (un adoubement institutionnel), être finaliste au Grand Prix en art contemporain du MBAM (une validation par les conservateurs), voir ses œuvres entrer dans les collections d’entreprises comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (un signe de viabilité économique), et bien sûr, migrer d’une galerie de « découverte » à une galerie de « valeur confirmée ».

Lorsque plusieurs de ces signaux s’allument pour un même artiste, il y a de fortes chances que sa carrière et sa cote soient sur le point de décoller.

À retenir

  • L’antidote à la fatigue muséale n’est pas de voir moins, mais de voir mieux : transformez votre visite en dialogue actif en décodant les intentions du commissaire.
  • La planification est essentielle : une préparation ciblée (podcasts, articles) et le choix de créneaux stratégiques (nocturnes, météo extrême) décuplent la qualité de l’expérience.
  • L’expérience culturelle à Montréal est un écosystème : elle s’étend du MBAM aux galeries émergentes du Belgo et aux lieux iconiques comme la Basilique, chacun exigeant une approche de lecture spécifique.

Comment transformer votre visite à la Basilique Notre-Dame en moment de transcendance plutôt qu’en simple photo souvenir ?

La Basilique Notre-Dame est un joyau incontournable de Montréal. Pour beaucoup, la visite se résume à une quête de la photo parfaite de sa voûte étoilée et à l’émerveillement devant le spectacle son et lumière AURA. Si ces expériences sont valables, elles ne représentent qu’une facette de ce que le lieu a à offrir. Pour le « détective culturel », l’enjeu est le même qu’au musée : dépasser la consommation visuelle pour toucher à une expérience plus profonde, voire transcendante. Il s’agit de trouver les moyens de se connecter à l’âme du lieu, au-delà de sa splendeur esthétique.

Le secret pour y parvenir est de changer de canal sensoriel. L’écrasante majorité des visiteurs se concentre sur la vue, sollicitée de toutes parts par les dorures, les sculptures et les projections lumineuses. Une approche alternative consiste à privilégier l’écoute. La basilique n’est pas seulement un chef-d’œuvre d’architecture néogothique ; c’est aussi un instrument de musique colossal, abritant un trésor : le monumental orgue Casavant Frères. Vivre l’expérience acoustique de la basilique est une alternative puissante au spectacle visuel.

Plutôt que de faire la file pour AURA, renseignez-vous sur les heures des concerts d’orgue ou, encore mieux, tentez d’assister aux répétitions de l’organiste titulaire. Dans le silence relatif de la nef, sans l’artifice des lumières, la puissance sonore de l’instrument prend toute son ampleur. Les vibrations qui parcourent les bancs de bois et la manière dont le son remplit chaque recoin de la voûte créent une connexion physique et spirituelle avec l’espace sacré. C’est une expérience qui engage le corps tout entier et qui mène à une forme de méditation sonore.

Rayon de lumière traversant les vitraux colorés de la basilique créant des motifs sur le sol

Une autre approche est de rechercher la contemplation silencieuse. Au lieu de suivre le flux des visiteurs, trouvez un banc isolé et concentrez-vous sur un détail : la façon dont la lumière naturelle filtre à travers les vitraux et peint des motifs colorés sur le sol en pierre. Observez le lent déplacement de ces taches de lumière au fil des minutes. Cet exercice de pleine conscience, focalisé sur un phénomène simple et éphémère, permet de se déconnecter de l’agitation et de ressentir la dimension temporelle et spirituelle du lieu. C’est dans ces moments de quiétude que la basilique révèle sa véritable majesté.

En choisissant de privilégier l’écoute ou la contemplation silencieuse, vous ne prenez plus seulement une photo de la Basilique Notre-Dame : vous en faites une expérience personnelle et inoubliable.

Rédigé par Marie-Claude Tremblay, Marie-Claude Tremblay est architecte membre de l'Ordre des architectes du Québec depuis 14 ans, spécialisée en restauration patrimoniale et réhabilitation de bâtiments historiques montréalais. Elle détient une maîtrise en conservation du patrimoine bâti de l'Université de Montréal et dirige actuellement une agence d'architecture patrimoniale comptant 12 collaborateurs.